JOE BONAMASSA : Paris, Palais des Sports, 11 Avril 2024
Bona, on l'aime ou on ne l'aime pas. Il y a comme ça des artistes que l'on vilipende par plaisir pour ce qu'ils font ou ce qu'ils ne font pas ou bien encore ce qu'ils devraient ou ne devraient pas faire mais en tout cas, il est bel et bien là, travaillant d'arrache-pied et ce, depuis de longues années. En ce qui me concerne, j'aime sa façon d'exploiter le blues via une approche très soul de par la tessiture de sa voix. C'est tout naturellement que Mme Phil, devenue fan avec les années, et moi avons pris la décision de nous rendre à son seul concert en France pour une somme encore "à peu près raisonnable" aujourd'hui (78.50 €) quand on sait que le carré or tournait autour des 200 €. Nous étions placés dans le haut de la salle, nous permettant néanmoins d'avoir une très belle vue sur le groupe.
Avant cela, il convient de préciser que j'avais des "obligations" à remplir. Aussi, j'avais pris la liberté d'effectuer un petit détour chez certains disquaires bien connus du centre de Paris (Gibert, Monster Mélodies et Parallèles) afin d'y distribuer des flyers et des affichettes en vue de la Thin Lizzy Fest 2 mais également devant le Palais des Sports dans la "Phil" composée exclusivement de fans de Joe Bonamassa. Efficace, le Phil puisqu'il est parvenu à se débarrasser de tout son paquet.
L'actualité de celui que nous sommes venus entendre, est une nouvelle fois très florissante (bah oui, c'est un mec qui bosse, pas comme certains, je ne citerai pas de nom) puisque notre bonhomme, étant une nouvelle fois sous les feux de la rampe, est d'ores et déjà coincé entre la promotion de l'album Blues Deluxe vol.2, cette tournée en cours, l'approche d'un nouveau live, Live At The Hollywood Bowl en mai ainsi qu'un nouvel album de Black Country Communion (V) en juin. Pour faire court, notre ami s'est imposé un emploi du temps de ministre.
C'est donc dans un Palais des Sports bien garni que le Bona accompagné du groupe qui figurait sur l'excellent live Tales Of Time, entame le set sur un très étiré « Hope You Realize It (Goodbye Again) », un titre élaboré par Tom Hambridge, artiste qui a notamment travaillé avec Roy Buchanan.
Malgré la longueur de ce premier morceau, le groupe s'engage de concert sur le fameux « Twenty Four Hour Blues » de Bobby "Blue" Bland permettant au natif d'Utica de faire étalage de tout son talent, suscitant ainsi des clameurs d'approbation de la part du public un peu bobo (il faut bien le dire, rien à voir avec celui côtoyé quelques jours plus tôt au Zénith pour le concert de Judas Priest et de Saxon).
Chaque musicien est un talent à lui seul, y compris les deux choristes car l'on sait tous très bien qu'une voix peut être apparentée à un instrument de musique, non ? (Il y a des discussions acharnées là-dessus : certains optent pour la nécessité d’être extérieur au corps pour être considéré comme « instrument », se basant sur la définition du mot français qui exclue les voix : « Objet fabriqué servant à exécuter quelque chose, à faire une opération », d’où une maîtrise de nature très différente de celle de la voix, d’autres ne regardant que la série de partitions et considérant que les voix font partie de l’orchestration, et donc pouvant être considérées comme des instruments : chacun son point de vue, NDLR) En effet, les deux jeunes femmes, Danniele DeAndrea et Mahalia Barnes sont dans leurs interventions, particulièrement convaincantes et ce, grâce à leur tessiture très blues mâtinée de soul.
Un réel plaisir lorsque le Bona qui, après s'être acquitté d'excellents soli, leur accorde une place qu'elles méritent amplement en demandant à l'assistance de les ovationner. Non seulement, elles chantent très bien mais elles s'illustrent également dans une chorégraphie élégante et à chaque fois différente notamment sur les morceaux plus groovy. Nous reparlerons ultérieurement des autres membres du groupe de Bona.
Le Blues Deluxe vol.2, produit par Josh Smith (le guitariste) et non pas par Kevin Shirley (occupé probablement par la promotion du cinquième opus de Black Country Communion aujourd'hui achevé) est, une nouvelle fois, sollicité avec ce « Well, I Done Got Over It » de Guitar Slim, un guitariste des années 40-50 surtout connu pour son hit « The Things That I Used to Do » publié en 1953.
Nous quittons momentanément ce volume 2 pour revenir un instant sur l'album Redemption paru, rappelez-vous, en 2018. Joe en extrait un superbe « Self-Inflicted Wounds », suivi sans temps mort d'un « I Want to Shout About It » de Ronnie Earl And The Broadcasters (retour sur Blues Deluxe vol 2.) qui l'est tout autant... superbe. A noter que Ronnie Earl de son vrai nom Ronald Horvatha, instigateur du groupe Ronnie Earl And The Broadcasters, a également joué en compagnie de nombreuses pointures telles que Jimmie Vaughan et les Fabulous Thunderbirds.
Dans la perspective de la sortie de son nouveau live en mai et pour lequel, nous avons eu l'opportunité d'en écouter il y a peu un extrait via une magnifique version orchestrale de « The Last Matador Of Bayonne », le guitariste aux lunettes noires en propose une interprétation fidèle à celle qui figure sur
Dust Bowl.
« Breaking Up Somebody's Home » d'Al Jackson et Timothy Matthews, repris il y a fort longtemps par le regretté Albert King, se veut être le temps de ce show l’œuvre du Joe via une version limite interminable mais jamais ennuyeuse. Et là, les musiciens qui l'accompagnent, ainsi mentionnés plus haut, font preuve d'une dextérité déconcertante. Tantôt, il s'agit de Calvin Turner qui fait des merveilles avec sa basse, tantôt c'est le deuxième guitariste, Josh Smith qui s'illustre via des solos ciselés en tout point, et le batteur Lemar Carter, n'étant pas en reste, se fendra plus tard d'un solo apparemment convenu au départ qui va s'avérer par la suite exceptionnel dans son exécution. Accélérations précises et énergie seront au menu de sa prestation.
C'est d'ailleurs le moment que choisit le Bona pour présenter ses comparses, ne les tarissant pas d'éloge surtout le légendaire Reese Wynans qui, jadis, a loué ses services à des artistes comme Stevie Ray Vaughan et Double Trouble ainsi que Captain Beyond.
Retour ensuite sur l'album Time Clocks, bien sympa au demeurant, avec le titre « The Heart That Never Waits », interprété avec justesse et précision avec dans la foulée le très bon « Is It Safe to Go Home », gorgé d'émotion à souhait.
Sur le dernier live, Tales Of Time, le guitariste avait rendu un vibrant hommage à Gary Moore, l'un de ses mentors, grâce à un « Midnight Blues » des plus émouvants. Le "Blues, c'est l'émotion", non ? De là, les deux amis que j'ai rencontrés avant le concert, Purplexed et Jean-Pierre m'enverront un vibrant (au propre comme au figuré) SMS : "J'ai les larmes aux yeux, Phil. C'est normal, non ?" Moi : "Oui, le Blues, c'est l'émotion." La citation, ça vient de moi. lol. Là, il opte pour une interprétation très inspirée du « Lazy Poker Blues » de Fleetwood Mac, période Peter Green qu'il vénérait, étant très jeune et vénère encore aujourd'hui.
Ensuite, l'épais riff si reconnaissable de « Just Got Paid » des trois barbus de ZZ TOP (hommage à Dusty Hill ?) résonne dans le vieux Palais des Sports. Ainsi comme cela a été précisé juste au dessus, les membres du groupe s'illustreront l'un après l'autre, montrant au public parisien qu'ils n'ont pas été recrutés par hasard. On dérivera pendant quelques temps vers un « Dazed And Confused » de qui vous savez pour revenir dans un tonnerre de décibels conclure ce morceau emblématique du trio texan.
Courte pause et déjà certains qui n'ont pas compris comment fonctionnait un concert, quittent la salle. Réapparaissant à peine deux minutes plus tard, le Joe qui a ôté ses lunettes noires, remercie chaleureusement et longuement tous ceux qui sont venus le voir. Il ne pouvait y avoir de plus belle conclusion que ce « Mountain Time » de plus de dix minutes émotionnellement très fortes, dix minutes durant lesquelles le Bona nous abreuve d'une technicité sans faille sans jamais sombrer dans la démonstration. Là non plus, je ne citerai pas de nom.
En guise d'épilogue, je ne prétendrai pas convaincre les détracteurs de cet artiste (encore lu récemment l'expression le "Clapton du pauvre" comme on disait également à une certaine époque d'Uriah Heep qu'ils étaient les "Deep Purple du pauvre") via ce reportage en concert. L'essentiel pour moi, c'est d'avoir passé un super moment à réécouter tous ces morceaux qui ont fait de ce concert un instant unique.
Phil Lizzy
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